Quand peut-on déshériter ?
La loi ne permet pas d’attribuer librement ses biens pour cause de mort. Certains héritiers bénéficient d’une part dont ils ne peuvent être privés qu’à des conditions strictes.
Le Code civil limite la liberté de la personne qui veut disposer de ses biens pour cause de mort en prévoyant que certains héritiers — dits réservataires — doivent en principe recevoir une part minimale de la succession, appelée la réserve. Il s’agit du conjoint et des descendants ainsi que des père et mère lorsque le défunt n’a pas de descendant. La réserve des père et mère sera cependant abolie dès le 1er janvier 2023.
Ce n’est qu’à titre exceptionnel que ces héritiers peuvent être déshérités — ou exhérédés selon l’expression légale. La mesure doit être justifiée par leur comportement gravement répréhensible ou leur insolvabilité. En revanche, les autres héritiers (frères et sœurs, oncles et tantes, cousins et cousines, etc.) peuvent être librement écartés de la succession. Le disposant n’a aucune obligation de leur attribuer une part de ses biens.
Il y a deux sortes de méconduite qui justifient l’exhérédation. Tout d’abord, lorsqu’un héritier commet un délit grave contre le défunt ou l’un de ses proches. Il peut s’agir d’un meurtre, de lésions corporelles, de calomnie, de vol, etc. Ensuite, si l’héritier a gravement failli aux devoirs de famille, par exemple à l’aide et aux égards mutuels que se doivent parents et enfants. En revanche, un manquement quelconque à la coutume ou aux bons usages dans les relations familiales, comme une parole vive, un geste déplacé ou de la froideur, n’est pas considéré comme une cause suffisante.
La clause prévoyant que l’héritier est déshérité doit figurer dans un testament ou un pacte successoral. Pour être valable, elle doit indiquer les faits concrets qui la justifient. Des reproches formulés en termes généraux ne suffisent pas. Il faut donc être plus précis que les formulations «après ce que mon fils m’a fait» ou «parce que mon mari s’est comporté de façon injurieuse à mon égard». Il est conseillé d’indiquer, dans la mesure du possible, des moyens de preuve étayant les griefs à l’encontre du déshérité. Cela permettra, en cas de contestation, d’établir la validité de l’exhérédation.
L’exhérédation permet au disposant de priver l’héritier de tout ou partie de sa part réservataire. Il peut attribuer cette part à une personne de son choix. Sa liberté n’est limitée que par la réserve instituée en faveur des descendants du déshérité. En d’autres termes, ce n’est que si le déshérité n’a pas de descendant qu’augmente la part que le disposant peut librement attribuer. Par exemple, le disposant sans enfant qui exhérède son épouse peut attribuer, à sa guise, l’entier de sa succession. Si le disposant ne précise pas le sort de la part du déshérité, celle-ci va aux héritiers légaux, comme si l’héritier écarté de la succession était décédé avant l’auteur du testament. C’est ainsi que, si le déshérité a des descendants, ceux-ci héritent à sa place, alors que, faute de descendant, la part accroît celle de ses cohéritiers.
Lorsqu’un disposant à un descendant insolvable, contre lequel il existe des actes de défaut de biens au moment de son décès, la loi lui permet de le déshériter pour la moitié de sa réserve. Le Code civil pose comme condition impérative que le disposant attribue la moitié préservée aux enfants du déshérité, nés ou à naître. L’exhérédé peut annuler la clause si, lors de l’ouverture de la succession, il n’existe plus d’acte de défaut de biens ou, s’il en demeure, lorsque leur montant total n’excède pas le quart de son droit héréditaire.