Succession lors d’une procédure de divorce
Je suis en procédure de divorce et gravement atteint dans ma santé. Mon conjoint héritera-t-il toute — ou partie de — sa part successorale si mon décès intervient avant le prononcé du jugement de divorce ?
Pour rappel, le conjoint est un héritier protégé, appelé héritier réservataire. Il ne peut en principe pas être totalement déshérité de manière volontaire (c’est-à-dire par voie testamentaire). Sa part légale dans la succession équivaut à la moitié de la succession lorsqu’il hérite en concours avec les enfants du défunt. Dans ce cas-là, sa part réservataire (part protégée) est d’un quart de la succession. En revanche, la part réservataire du conjoint survivant correspond à la moitié de la succession lorsque le défunt n’a pas d’enfant.
Jusqu’au 31 décembre 2022, il était impossible d’écarter totalement son conjoint de sa succession, même s’il prolongeait inutilement la procédure de divorce pour espérer conserver sa qualité d’héritier.
Une modification importante du droit matrimonial est cependant entrée en vigueur le 1er janvier 2023. Elle est malheureusement passée pratiquement inaperçue aux yeux du public. Cette modification permet d’éviter les conséquences pénibles d’une situation telle que celle décrite dans le paragraphe ci-dessus.
Pour s’assurer que le conjoint ne puisse bénéficier de droits héréditaires si le décès intervient durant la procédure de divorce, il faut écarter deux obstacles : le premier est le droit à la part réservataire du conjoint survivant et le second est son droit à sa part légale à la succession au même titre que n’importe quel autre héritier légal.
Concernant le premier obstacle, à savoir le droit du conjoint à sa part réservataire, il est important de rappeler que le régime légal prévoit désormais à l’article 120 al.3 du Code civil que « sauf clause contraire, les époux perdent tous les avantages résultant de dispositions pour cause de mort… (c’est-à-dire testament ou pacte successoral ou contrat de mariage) au moment du divorce ou au moment du décès si une procédure de divorce entraînant la perte de la réserve du conjoint survivant est pendante ».
En cas de divorce, la situation est suffisamment claire et ne nécessite aucune explication particulière : une fois le divorce prononcé, les conjoints n’héritent plus l’un de l’autre, qu’il y ait ou non des dispositions pour cause de mort; la part réservataire n’est donc plus protégée. En cas de décès, la situation est plus complexe. Les dispositions pour cause de mort entre conjoints deviennent sans effet si une procédure de divorce entraînant la perte de la réserve du conjoint survivant est pendante. Cette dernière condition est remplie « … si la procédure de divorce est ouverte sur requête commune des conjoints ou si les époux ont vécu séparés pendant deux ans au moins au moment du décès » (art. 472 CC). Dans les deux cas de figure décrits ci-dessus, le conjoint survivant perd la protection de sa réserve héréditaire de par la loi tout comme les avantages liés aux dispositions pour cause de mort.
Concernant le second obstacle, à savoir le droit du conjoint survivant à sa part légale, celui-ci demeure tant et aussi longtemps que le divorce n’est pas prononcé et ce même si les conditions des art.120 al.3 et 472 CC précités sont réunies. De ce fait, il continue à pouvoir prétendre à ses droits légaux dans la succession de son futur ex-conjoint. N’étant plus héritier réservataire, il peut toutefois être écarté de la succession par voie testamentaire comme n’importe quel autre héritier légal. Le de cujus — la personne qui va mourir — peut alors favoriser ses descendants ou d’autres personnes en lieu et place de son futur ex-conjoint. Naturellement cette solution nécessite une démarche proactive de la part de la personne qui souhaite se préserver des intérêts d’un conjoint profiteur. Pour ce faire, il devra se rendre chez son notaire et planifier sa succession de façon précise et sans équivoque.