Mais comment interpréter ce testament ?
Le 1er janvier prochain entrera en vigueur un premier pan de la révision du droit suisse des successions. Il comprend notamment des modifications des « réserves héréditaires » et n’est potentiellement pas sans effet sur des testaments rédigés depuis des lustres.
Lorsqu’une personne (appelons-la Louis) décède, le Code civil définit le cercle de ses héritiers. Il s’agit généralement de proches du défunt, par exemple le conjoint ou des descendants. Louis peut avoir le souhait de modifier les parts légales, en augmentant la part de son conjoint, par exemple, et en réduisant celle des enfants. Il doit alors rédiger un testament. Toutefois, le droit suisse fixe des limites à Louis, qui doit respecter les « réserves héréditaires ». Il s’agit d’un droit spécifique des personnes particulièrement proches du défunt, à savoir 3/4 de la part légale quand il s’agit d’un descendant ou 1/2 s’il s’agit du conjoint survivant ou des parents.
Mais on l’a dit, il y aura deux modifications importantes à compter du 1er janvier 2023: la suppression de la réserve des parents et la réduction de celle des descendants qui passera de trois quarts à un demi de la part légale.
L’impact pratique
Il existe aujourd’hui de nombreux testaments, conservés à la maison ou déposés chez le notaire ou auprès d’une administration, par lesquels le testateur entend favoriser son conjoint.
Admettons que Louis ait rédigé, il y a une vingtaine d’années, une disposition par laquelle il « renvoie ses chers enfants Charles et Elisabeth à leur réserve (soit 3/4 de leur part légale) et attribue l’intégralité du solde sa succession à sa tendre épouse, Marie-Antoinette », et qu’il décèdera le 18 janvier 2023, après l’entrée en vigueur du nouveau droit des successions.
Après l’ouverture du testament, se posera immanquablement la question de la quotité de la réserve des deux enfants. Leur a-t-il attribué 3/4 (si l’on applique le droit en vigueur au jour de la rédaction du testament) ou 1/2 de leur part légale (en application du nouveau droit)?
Dans l’exemple ci-dessus, le doute n’est évidemment pas permis (c’est 3/4).
Autre cas de figure. Lorsqu’il a signé son testament, cette fois-ci en 2020 seulement, Louis, sur indication de son notaire, avait appris que les Chambres fédérales traitaient de la réforme des successions et allaient probablement modifier les réserves héréditaires. C’est ce qui l’a incité à choisir la formulation suivante :
« Je renvoie mes chers enfants Charles et Elisabeth à leur réserve, telle qu’elle sera en vigueur au jour de mon décès. » Puisque Louis décède après le 1er janvier 2023, c’est la nouvelle réserve de 1/2 qui s’applique.
Besoin de clarification
Cela dit, comment faudra-t-il interpréter et appliquer, dès 2023, les centaines, peut-être milliers de testaments qui contiendraient la simple formulation : « Je renvoie mes enfants, Charles et Elisabeth, à leur réserve. » De façon « historique », en se basant sur le droit qui était en vigueur au moment où ils ont été rédigés, ou «dynamique » en application des règles de 2023? Comme l’effet n’est vraiment pas anodin, il faut absolument clarifier ce point pendant qu’il est encore temps pour éviter de potentielles querelles entre héritiers.